Aujourd’hui j’ai vu doigt écrit comme ça : *doitg. C’était écrit comme ça par une grande personne. Visiblement, cette personne avait déjà rencontré le mot et noté qu’il y avait un "g", installé comme un cheveu sur la soupe. Un jet de lettre embarrassant surgissant tout à coup au cœur d’un mot, lui ajoutant ainsi des jambes…
Cette personne avait dû maintes fois se répéter intérieurement- ou à voix haute- le mot pour repérer et placer au bon endroit la lettre muette. Mais celle-ci était restée à chaque fois sans voix, ce qui faisait qu’elle allait très souvent rejoindre une place aléatoire. Puisque aucune logique ne lui était trouvée, on la mettait tantôt là :
*gdoit,
là :
*dgoit,
ou encore là :
*doitg. Exactement comme je vis faire la personne de ce matin.
Cette lettre de prime abord intruse, dite muette, en dit pourtant tellement long…elle nous parle de jadis, du "g" quand il se faisait entendre, elle nous parle de nos ancêtres, elle nous parle de notre histoire et nous ramènerait même volontiers à la source si on s’y penchait de plus près…
Cette lettre ne se prononce plus. On ne l’entend plus. Elle passera du statut de lettre muette à morte, et on l’enfouira loin dans le temps.
La lettre muette est une cicatrice. Le mot porte cette cicatrice. Si on lui enlève, c’est une trace visible d’histoire que l’on efface.