23.2.10

Dialogue à l’intérieur.

-Pourquoi ne continuez-vous pas ? J’ai toute la nuit.
-Nuisibles sont ceux qui trop s’étendent.
-De qui tenez-vous cela ?
-Las je suis, laissez- moi .
-Est-ce moi qui tue vos songes ?
-Je ne dis rien.
-Rien du tout ?
-Rien du tout. Le rien dit parfois plus que tout.
-Toujours rien ?
-Rien à l’horizon.
-Alors rions-en .
-Entêtez-vous encore.
-Qu’avez-vous à me reprocher ?
-Chez vous tout j’abhorre.
-Beau reflet. Merci du compliment.
-Mentiriez-vous à ma place ? Feriez-vous semblant d’avoir envie de parler ?
-Laissez-moi réfléchir. Quel mal de crâne !
- Ne me répondez pas. Je devine la réponse. Oui sûrement, vous mentiriez. Pour meubler, comme on dit. Juste pour combler les espaces, vous seriez prêt à tout. Sans aucun doute. Certainement. Indiscutablement. Enfin, j’imagine.
-Ne manquez pas de respect à mon égard, je vous prie. Comprenez-moi. J’essaye de causer, tout simplement.
-Mendiez –moi la parole et vous aurez des vers.
-Des vers en prose ?
-Non.
-Des vers en quoi ? Des vers en pieds ?
-Oui, disons cela. Du pied au nez. Il n’ya qu’un pas.
-Parce qu’en plus, il se fiche de moi ! Qu’est-ce que cette histoire de vers vient faire dans tout cela ? De quels vers parlez-vous ?
-Voulez-vous savoir ? Je parlais des vers du nez pardi !
-Dire que je n’ai fait que vous parler.
-Les bavards je vous l’ai déjà dit, je les déteste.
-Testez-moi alors, pour savoir si je suis un bavard ou un buvard de paroles.
-Rôles et dialogues. Tout y est, ne changez rien. Pas besoin d’essayer.
-Hier encore, je me disais… Alors que je buvais mon café…
- Faites, parlez-moi du passé.
-C’est que l’on a plus de saisons, maintenant…
-Maintenant le temps. Voilà que ça recommence !
-Ce fichu temps pourri, l’été en hiver, l’hiver en été, vous voyez ?
-A présent, je ne vois rien. Pour l’instant, je ne vois qu’un moulin à paroles. Et je hais les moulins dans votre genre. Ils oublient les silences, les pensées .Tuent les messages dans l’œuf. Ce sont des ivrognes qui tuent les bébés. Ils vomissent des mots. Voilà tout.
-Tourmenté seriez-vous ? Vous devriez vous changer les idées. Venez donc prendre un verre. Je pourrais vous dire qui je suis, vous parler un peu de ma vie. Qu’est-ce que je vous sers ?
- Serrez-moi la main, pour moi, ce ne sera rien.
-Rien ?
-Rien du tout.
-Tournez-moi les talons! Surtout ne vous gênez pas !
- Non mais je rêve ! parce qu’en plus il faudrait vous ménager ? m’excuser de mon départ ? vous demander l’autorisation d’aller me reposer sur mon divan? Dans votre genre, nul ne pourrait vous égaler !
- Allez-y, partez, et tant que vous-y êtes, mourrez donc dans votre canapé !