
Mardi 21 février 2005, Londres -Stansted.Aller près de la fenêtre, regarder les autres avions prendre leur élan et décoller comme de bons gros insectes à la carapace publicisée...Espérer très fort ne pas mourir maintenant…Et finalement se sentir prête…Renoncer à sa vie pendant une fraction de seconde, se dire que de toute façon, on ne sentira rien...Mourir d’un coup sinon rien... L’homme blond à côté de moi a l’habitude, il est sûr qu’il ne mourra pas aujourd’hui... Il continue d’écrire ses textes sur son ordinateur portable et détourne soigneusement la tête lorsque je tourne la mienne dans sa direction... Il ne veut pas parler… ça tombe bien, moi non plus...Une petite famille est assise devant moi, ils sont tous nerveux de partir ailleurs, de prendre l’avion, de s’être levés tôt le matin... La mère répète en boucle de petites formules rassurantes. Pas pour moi : on ne peut de toute façon jamais rien garantir à cent pour cent dans ce genre d’embarcation... Non, c’est moi qui suis nerveuse, je me dis que j’aime la vie à en crever, que je ne veux jamais mourir, et que je ne suis pas montée dans cet avion pour me suicider mais pour rentrer chez moi… Je veux tellement revoir ma fille, mes amis… Et si je partais, si je me levais...Je n'aurais qu'à dire que je ne me sens pas bien...Que j'ai oublié un gâteau dans le four... C'est si bon d’avoir les pieds sur terre... Quelle trouillarde je fais...Et si je lui prenais la main, à cet idiot d’à côté... C’est vraiment n’importe quoi...Il faut que j’arrête de penser...Comment fait-on déjà? Et merde, je n'arrive jamais à penser à rien... Sauf quand j’aime... Et là je n'aime pas.Enfin, c’est à nous... Ouahou! ça va vite, ce truc là!Ça y est, on a décollé, ce n'était pas si terrible que ça... Bon, il ne reste plus qu’à espérer qu’ils aient bien fait l’entretien de l’engin... tiens, pourquoi elle bouge l’aile, là... Et si je veux sortir, là, tout de suite, hein?