11.10.06


Beige blanc gris.

Beige blanc gris : un petit vieux à bretelles pose maladroitement son vélo contre un mur près d’une vitrine. Les cordonniers ont ravalé leurs semelles et les lavandières se sont évaporées dans la vapeur des machines à laver.
Les ghettos de retraite se gavent à présent de petits vieux beiges blancs gris.
Ça sent la véritable eau de Cologne, les cheveux soigneusement peignés, les rinçages violets. Ça sent la soupe et l’antalgique. Ça sent le scrabble et la mort .
Beige blanc gris, le petit vieux à l’iris flouté promène son regard entre les jeunes et les nouveaux-nés qui chaque jour un peu plus le font rouler vers le bord de sa vie.
Il se dit parfois que ce n’est rien. Que c’est juste la vie qui ne fait que passer.
Mais il se dit aussi que c’est quand même un coquin de sort de se voir ainsi vaciller comme un enfant qui vient tout juste d’apprendre à marcher.
Après le pic de la maîtrise, les piques de la traîtrise d’une force qui ne fait que décliner.
Beige blanc gris, ses cheveux se confondent déjà avec les nuages qui caressent l’air du cimetière où il finira par s’allonger. Il y pense souvent maintenant. Entre deux siestes deux courses deux docteurs et deux calmants.
Alors il rit doucement de s’être autant pris au sérieux durant ces paquets de dix années. Que c’est finalement pas beaucoup sept paquets.
Beige blanc gris, il se tait et sourit devant tous ces jeunes qui défilent agiles et décidés à vivre pour l’éternité…