Enumérations en "y'a" sur la vie des gens civilisés.
Coûte que coûte marcher… les gens ne font que se croiser, ils aimeraient parfois bien qu’on s’arrête pour faire un brin de causette, p'tet même un dialogue gargantuesque, montrer comme ils sont profonds, comment ils sont farcis d’histoire, la leur où celle du monde mais non, y’a pas le temps, non, y’a les obligations, les coups de fils à passer, les papiers à signer, la voiture à réparer, le fer à repasser, la machine à mettre en route, la machine à laver, les plats à récurer, les choses de la vie qu’il faut faire, comme ça ça sera fait, les lettres à envoyer, le fric à redistribuer, les papiers à ranger, les souvenirs à classer, les photos à consigner, les habits à trier… habits d’été, habits d’hiver et entre les deux même qu’on est paumé, qu’on sait plus comment s’habiller; y’a les railleries à encaisser, même si ce jour-là on est mal luné et friable comme un château de sable asséché ; y’a aussi la famille à déglutir, celle qui croit qu’on est comme elle pense qu’on est et qui nous parle de tout et surtout de rien alors qu’en fait on est comme ça, comme elle ne saura jamais qu’on est; y’a les connaissances qu’on aimerait jeter parce qu’on se plie en quatre pour toujours les respecter tandis qu’eux vomissent peu à peu leurs habitudes sans se demander si ça peut gêner ; y’a tous ces choix qui attendent d’être faits mais qui ne se font pas de peur de se tromper ; y’a toutes ces erreurs passées qu’on voudrait oublier et dont on préfère se dire qu’elles servent de leçons pour mieux les digérer ; y’a tous ces gens qu’on envie comme ils nous envient peut être de vivre la vie qu’on ne vivra peut être jamais ; y’a toutes ces réflexions qui n’aboutiront jamais parce qu’au bout du compte c’est trop compliqué ; y’a aussi tout cet espace autour du monde qui n’en finit pas de nous troubler tellement il va loin, tellement loin qu’on se dit qu’il serait p’tet bon un jour d’intégrer cette drôle de notion d’infini au cœur de notre petite vie ciselée de débuts et de fins … Alors les jours où on est disposés , pas trop écorchés, pas trop mal en point niveau santé, au bout du fil, au bout d’un clavier, devant un café, avec un sourire et une écoute amplifiée, on se régale d’offrir tout l’intérêt qu’on peut porter à ces gens qui nous ressemblent, qui vivent leur vie pied au plancher, qui ces jours-là sont peut être pas disponibles, mais on se dit que c’est pas grave qu’ ils remarquent ou non notre bienveillance et notre présence calme à leur côté, sans les juger …parce qu’on sait soi-même qu’il est difficile d’être quand on est submergé.