30.1.08

En direct de l’au-delà, l'interview exclusive de M. Dainjour (Diplômé sûr le tard, paraît-il, de lettres classiques, et donneur de leçons d’écriture à ses heures perdues).
« Regarde, regarde comme je sais écrire. Une chose est sûre, je suis l’as des as, le roi des rois de l’écriture ; j’ai appris toutes les règles par cœur, je connais la recette du texte parfait.
Tu écris toi aussi ? Fais – voir …
Ah, mais tu ne fais pas comme je fais. C’est nul alors. Regarde plutôt comme je respecte les vieilles règles de la poésie par exemple ; regarde comme mes mètres sont bien millimétrés. Ecoute ces sonorités. Un deux trois quatre cinq six, un deux trois quatre cinq six. Un deux trois quatre, un deux trois quatre. Je maîtrise la césure comme César son empire. Mes rimes sont tellement riches ; regarde les tiennes…elles sont si pauvres. Tiens, tu me fais pitié.
Pourquoi j’écris ? Mais voyons, c’est évident : pour le plaisir de la performance, la jouissance d’être meilleur que les autres et la satisfaction d’être admiré, bien sûr.
J’écris pour m’exprimer sur le monde qui m’entoure et sur moi, évidemment : d’ailleurs, à ce propos, j’ai bientôt épuisé tous les sujets de ce bas monde et même de l’au-delà.
Et toi, fais voir ce que tu écris.
Mais que respectes-tu donc, si tu ne comptes rien, si tu ne respectes pas les règles, les vraies ? Quelle ignorance…
Ah bon, ce sont des choix ? Alors ce sont les mauvais.
Oui, oui, bien sûr que je lis les - essais - de textes d’autres petites gens pour me distraire ou pour me moquer soit dit en passant, hé, hé… mais leur talent n’égalera jamais le mien, cela va de soi.
Si si, bien entendu, parfois je trouve quelques petites choses assez bonnes, parmi le tas d’immondices que je peux lire au quotidien, mais c’est surtout pour ne pas me faire détester, car si je n’ai plus d’amis, qui me lira ?
A présent, je fais partie des grands, tu le sais bien ; plus tard, mes brouillons, preuves de l’effervescence de mon talent seront vendus si chers que tu te mordras le cul de ne pas m’avoir baisé les pieds plus tôt. Nous ne faisons pas partie du même monde, toi et moi ; je suis bien au-delà de toi.»