Marchande de liberté.
Elle se promène au marché parmi les charlatans et les poivrons bourrés, sous les yeux ébahis des badauds retournés.
Elle suggère aux passants de venir voir un peu ce qu’elle a dans le cœur, son immense panier.
Pas d’étalage à bout portant.
Elle montre paisiblement tout ce qu’elle a ramassé au cours du temps, au gré du vent, de force sept le plus souvent.
D’années dures, en années rudes, dues à la digue de son rang et à ses liens de sang, elle a continué de cueillir, en errant, tout ce qui lui semblait comestible, tout ce qui lui semblait cohérent.
Ce qu’elle propose est frais, mûr à point, prêt à emporter les plus avides de liberté.
Les vérités sont déjà déballées, les mensonges dévidés, les nœuds dénoués, et les rancoeurs passées.
Comme moyen de paiement, elle refuse l’argent, à son ouïe trop bruyant ; elle préfère le rêve en émoluments.
On lui rétorque souvent que c’est trop onéreux, que ça prend trop de temps.
Alors, la marchande se remet en route, à la recherche de quelqu’un de plus offrant.
Avec elle, rien n’est jamais empaqueté : « Ces produits, confie-t-elle, pourraient se noyer dans le papier et s’étrangler dans les liens trop serrés d’une ficelle alambiquée. »